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La banque postale, une alternative citoyenne au cartel bancaire

En dépit des résistances et des oppositions, cette réforme pourrait profondément bouleverser le paysage financier national, en ciblant notamment les populations vulnérables et les zones exclues du réseau bancaire classique.

La Presse — En 2019, la Poste tunisienne, plusieurs fois classée comme la meilleure institution postale à l’échelle arabe et africaine, avait entamé un projet de transformation en banque postale (BP). Cependant, la Banque centrale de Tunisie avait exigé une révision du modèle d’affaires ainsi qu’une stricte conformité au cadre juridique bancaire.

Le ministère des Finances, de son côté, n’avait pas accueilli favorablement ce projet, craignant principalement un transfert massif des ressources issues des comptes postaux vers la future BP. Ces ressources sont en effet mobilisées pour le financement du budget de l’État. Dans un contexte de rareté des financements, cette perspective suscite des inquiétudes quant à l’équilibre financier public, selon certains experts.

Le projet relancé au Parlement

La création de la Banque postale vise à compléter l’offre financière existante par la proposition de crédits. Cette démarche s’inscrit dans la stratégie nationale de l’État en matière d’inclusion financière, puisque la Banque postale cible essentiellement les catégories sociales exclues du système bancaire, en leur offrant des services adaptés à leurs besoins. Elle permettra de diversifier et de digitaliser les services financiers, contribuant ainsi à la réduction de l’usage du cash, indique le rapport annuel 2022 de la Poste tunisienne.

Le nombre de bureaux de poste et d’agences spécialisées a augmenté pour atteindre 1 148, portant la couverture postale à un bureau pour 10 281 habitants à la fin de 2022.

Le nombre de comptes courants postaux est également passé de 2,06 millions à fin 2021 à 2,127 millions en 2022, soit un taux de croissance de 3,27 %, grâce à l’amélioration des services offerts aux clients des chèques postaux, la mise à disposition d’un réseau moderne de distributeurs automatiques de billets, ainsi qu’un pack de services comprenant diverses cartes électroniques associées aux comptes courants postaux, selon la même source.

Une étude récente de la Banque mondiale révèle qu’entre 2018 et 2021, le taux de Tunisiens clients d’une institution financière formelle est passé de 61 % à 75 %. Par ailleurs, le pourcentage d’adultes possédant un compte bancaire est passé de 33 % à 49 %. Il faut rappeler qu’en 2014, le taux d’inclusion financière en Tunisie était de 27 %.

Examiné dans le cadre d’une réforme de la loi de finances 2024 et d’un projet de loi sur l’inclusion financière, le projet de transformation de la Poste en banque revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Il vise principalement à offrir aux populations vulnérables et aux petites entreprises un meilleur accès aux services bancaires, souvent inadaptés ou inaccessibles via les circuits traditionnels. Sous l’égide de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), le débat reste ouvert, notamment avec la participation des représentants du ministère des Finances et de la Banque centrale.

Les avantages du projet… et ses contraintes

Selon Slim Hedi Chkili, expert en stratégie et marketing bancaire, la Banque postale s’inscrit dans une volonté plus large de renforcer l’inclusion financière et de moderniser les infrastructures financières en Tunisie. Son objectif est d’offrir des services bancaires de base tels que comptes courants, prêts et services de transfert. Elle présente plusieurs avantages en termes d’inclusion financière, d’accessibilité, de réduction des coûts, de soutien à l’économie locale et de modernisation des services postaux.

D’après lui, la réussite de ce projet nécessite de relever plusieurs défis. Sur le plan des infrastructures et de la technologie, bien que nombreux, les bureaux de poste  devront être modernisés pour offrir des services bancaires sécurisés et adaptés aux normes actuelles. En termes de formation, le personnel devra être préparé à ces nouvelles missions, ce qui implique un investissement en temps et en ressources.

Pour se démarquer dans un marché concurrentiel, la banque postale devra également se différencier des banques traditionnelles. Par ailleurs, la perception publique des services bancaires postaux peut varier, rendant nécessaires des campagnes de sensibilisation pour renforcer la confiance des clients, ajoute-t-il.

«En résumé, la Banque postale a le potentiel de transformer le paysage financier tunisien en offrant des services essentiels à une plus large part de la population. Cependant, elle devra surmonter des obstacles liés à l’infrastructure, à la formation, à la régulation et à la concurrence. Cela exigera une collaboration étroite entre la Poste tunisienne, les pouvoirs publics, la Banque centrale, les partenaires financiers internationaux, ainsi que les consultants et experts en services financiers et technologiques».

Des défis à relever pour sa mise en œuvre

Selon notre expert, plusieurs obstacles peuvent freiner la mise en œuvre et le succès de ce projet. Les bureaux de poste devront être rénovés pour intégrer des services bancaires modernes, notamment via la mise à jour des systèmes informatiques, l’amélioration de la connectivité et la sécurisation des transactions.

Le développement des solutions numériques nécessitera également des investissements importants en technologie et cybersécurité. Le respect des réglementations financières locales et internationales représente un autre défi majeur, demandant une vigilance constante pour se conformer aux exigences des organes de supervision.

En termes de concurrence, les banques traditionnelles restent très attractives grâce à leurs services sophistiqués et leur expérience, ce qui pourrait limiter l’adoption des services postaux. Sensibiliser la clientèle potentielle aux avantages des services bancaires postaux et encourager leur adoption nécessiteront des campagnes d’information ciblées.

En surmontant ces obstacles grâce à une stratégie réfléchie, des investissements adaptés et une gestion efficace, la banque postale pourrait devenir un acteur clé de l’inclusion financière en Tunisie, conclut-il.

Il convient de souligner que le député Mohamed Zied Maher a déclaré, ce jeudi sur les ondes de la RTCI, que cette initiative vise à étendre l’accès aux services bancaires à l’ensemble des catégories de la population financièrement marginalisées, en particulier les familles et les individus à faible revenu.

Elle ambitionne également de proposer des prestations accessibles, à des tarifs préférentiels, voire symboliques. Il s’agit d’un véritable service bancaire de proximité, inscrit dans une logique d’inclusion financière des franges exclues du système traditionnel.

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